Angelin Preljocaj, chorégraphe emblématique de la scène européenne depuis les années 80, joue avec les lois de la physique. Dans une série de tableaux éclectiques, il tire le fil de l’attraction terrestre pour expérimenter ses effets sur les interprètes, qui semblent parfois devoir s’extirper de ses forces, comme groggys après un long sommeil et rattrapés par le sol. Les appuis sont précautionneux, les têtes lourdes, les mouvements pénètrent au ralenti dans l’épaisseur de l’air. La gravité cimente des ensembles tirés au cordeau, aimante les duos, joue à l’élastique avec la géométrie. Elle applique aussi une nouvelle qualité à l’écriture du chorégraphe : la lenteur. En dépliant une arabesque à vitesse réduite, en pesant sur l’autre au ralenti, les danseur·se·s font surgir une autre forme de grâce, sensuelle et délicate.

Sur une bande-son allant de Bach à Daft Punk en passant par Chostakovitch ou Philip Glass, cette pièce kaléidoscopique pour douze interprètes happe le spectateur et le plonge dans une puissante fascination.